Lorsqu'un morceau classique de Metro Boomin démarre et qu'une voix familière dit "This beat is so, so Metro", on sait que ça va commencer. Une telle phrase est l'équivalent musical de l'entrée d'un super-héros. Elle est puissante et immédiatement reconnaissable.
C'est ce que nous appelons une "étiquette de producteur".
Les étiquettes de producteur sont en quelque sorte des filigranes pour les beats, donnant aux producteurs un coup de projecteur bien mérité dans un genre souvent dominé par les rappeurs. Bien qu'ils soient brefs, ils sont devenus de puissants outils de promotion de la marque, transformant des noms comme Metro Boomin, Tay Keith et DJ Khaled en noms familiers.
Dans ce guide, nous allons explorer tout ce qu'il y a à savoir sur les étiquettes de producteur, de leurs origines à leur impact sur la musique que nous aimons et écoutons tous les jours.
D'où viennent les étiquettes des producteurs ?
Bien avant que DJ Khaled ne se mette à crier "another one" comme un conférencier motivé qui aurait sauté sa sieste, il y avait les mixtapes. Et avant les mixtapes, il y avait des DJ qui criaient leur nom sur les morceaux pour s'assurer que personne n'oubliait qui dirigeait.
Dans les années 80 et 90, des DJ comme Kool DJ Red Alert posaient les jalons en hurlant littéralement sur leurs propres mixes à la radio. Ce n'était pas une question de vanité (enfin, peut-être un peu). C'était une question de propriété. Si vous faisiez tourner des grooves rares ou des mélanges exclusifs, vous vouliez que votre nom y soit attaché. Rappelez-vous, c'était avant que tout ne soit numérique et volable en trois clics.
Cette idée de s'approprier un rythme a lentement migré de la culture des DJ à celle des producteurs au fur et à mesure de l'évolution du hip-hop.
L'essor des marques de producteur dans les années 2000 et 2010
Au début des années 2000, le rôle du producteur de hip-hop ne se limitait plus à être la personne derrière les planches. Il s'agissait plutôt d'une marque à part entière. Et comme toute bonne marque, ils avaient besoin d'un logo. Mais dans le hip-hop, plutôt que d'avoir un logo visuel, il fallait un logo sonore.
Le nom du producteur est devenu l'intro, la bande-annonce, le mini jump-scare avant le beat drop. Tout à coup, entendre "Just Blaze !" ou "Mike WiLL Made-It" au début d'un morceau avait le même poids que de voir le logo A24 avant un nouveau film d'horreur indépendant.
Dès le départ, vous saviez à quel genre d'ambiance vous attendre et, plus important encore, vous saviez qui remercier lorsque le rythme tombait.
Et dans une industrie où les artistes oublient parfois de mentionner qui a créé leur beat, une étiquette bien placée est comme un panneau au néon qui dit : "Cette chaleur ? Oui, c'était moi".
Certains de ces tags sont devenus des classiques instantanés.
- Metro Boomin en est probablement le meilleur exemple. En transition depuis ses débuts, il a fini par faire le tag "If Young Metro don't trust you, I'm gon' shoot you" (Si Young Metro ne te fait pas confiance, je vais te tuer), prononcé par Future. C'est devenu une sorte de remise à zéro culturelle. C'était sombre, accrocheur et un peu menaçant, dans le meilleur sens du terme.
- Tay Keith, quant à lui, a abordé le tag comme on enfonce une porte. "Tay Keith, f*** these n****s up !" est moins une annonce qu'un énoncé de mission. Il vous frappe comme un coup de poing à la mâchoire juste avant le premier 808.
- Et bien sûr, on ne peut pas ne pas parler de DJ Khaled, dont la marque entière est construite sur le fait de crier son nom plus fort que n'importe qui d'autre. "Nous avons la meilleure musique !" Encore une fois ! L'homme a fait du cri une signature, et ça marche. À chaque fois.
Maintenant que les tags sont devenus monnaie courante, ils ne sont plus cantonnés aux titres underground ou aux intros des mixtapes. Ils figuraient sur les hits. Les meilleurs du Billboard. Grammys. Des vidéos musicales à gros budget. Les auditeurs ont commencé à reconnaître les noms qui se cachent derrière les rythmes, tout autant que les rappeurs qui rappent dessus.
Fabrication d'une étiquette de producteur
Disons que vous êtes un jeune beatmaker, produisant des bangers dans votre chambre avec un vieil ordinateur portable, une paire d'écouteurs défectueux et un rêve. Vous avez des kicks, des snares et des 808 bien réglés. Mais que manque-t-il ? Cette carte de visite incomparable, c'est quoi ?
Bien entendu, il n'y a pas qu'une seule façon d'étiqueter une piste. Tout comme l'association d'un plat principal et d'un accompagnement, tout dépend de ce qui convient au plat. Le fait est que vos options sont aussi vastes et variées que votre créativité le permet :
- Balises vocales: C'est l'approche classique. Des mots ou des phrases (généralement le nom du producteur ou une phrase d'accroche) sont prononcés d'une voix distincte. Certains, comme Just Blaze, crient leur propre nom. D'autres, comme Wheezy, laissent les rappeurs leur rendre hommage ("Wheezy outta here").
- Etiquettes musicales: Elles sont un peu plus profondes. Le départ en 4-temps de Pharrell est un véritable chef-d'œuvre en matière de balises musicales. C'est subtil, mais une fois que vous l'avez compris, vous l'entendez à chaque fois. C'est un peu comme la poignée de main secrète d'un producteur.
- Tags sonores trouvés: Certains tags proviennent d'endroits étranges. Jahlil Beats a utilisé un échantillon de la voix de sa nièce. Pi'erre Bourne a repris un extrait sonore du Jamie Foxx Show: "Yo Pi'erre, tu veux venir ici ?". Cette phrase fait désormais partie de l'histoire du hip-hop. Le "clink-clink" des barreaux de prison qui se ferment au début d'une chanson d'Akon, même s'il ne s'agit peut-être pas d'un "producer tag" traditionnel, me ramène directement au collège (je viens de me vieillir).
L'autre question est : "Où va une étiquette ?"
La plupart du temps, les tags apparaissent dans les premières secondes d'un morceau. Rappelez-vous, nous voulons ce moment "oh sh*t" juste avant que le rythme ne tombe. Mais il n'y a pas de règles strictes. Certains producteurs insèrent furtivement un deuxième tag au milieu d'une chanson, ou en ajoutent un à la fin, comme pour un mic drop.
Mais comment en faire un bon ?
Trouvez une voix qui passe ou une phrase qui colle. Soyez créatif ! L'important, c'est que ce soit un son si personnel que personne ne puisse le confondre avec celui d'un autre. Il peut être agressif, drôle, doux, robotique ou tout ce qui correspond à votre style de production.
Et une fois que vous l'avez, laissez tomber comme si c'était chaud.
Top 10 des étiquettes emblématiques des producteurs
1. Metro Boomin : "If Young Metro don't trust you, I'm gon' shoot you" (Si Young Metro ne te fait pas confiance, je vais te tuer)
https://www.youtube.com/watch?v=_MIsk8VoNhM
Ce tag est devenu un repère culturel. Prononcé par Future sur "Father Stretch My Hands Pt. 1" de Kanye West, il est rapidement devenu synonyme de danger, de chaleur et de problèmes de confiance dans le hip-hop.
La capacité de Metro Boomin à faire de son tag un mème, une marque et un moment tout à la fois a consolidé sa position comme l'un des producteurs les plus influents de sa génération. Son tag est une décharge d'adrénaline instantanée, qui donne le ton avant même qu'une seule mesure ne soit rappée.
2. Tay Keith - "Tay Keith, f* these n****s up !"**.
https://www.youtube.com/watch?v=NV-3s2wwC8c
Bruyant, agressif et prêt à en découdre, ce tag correspond parfaitement aux rythmes de trap de Tay Keith, qui sont bruyants et de la taille d'un stade. Apparu pour la première fois dans la chanson "Look Alive" de BlocBoy JB avec Drake, ce terme est désormais synonyme d'énergie intense et de chaleur méridionale. L'ascension de Keith de Memphis au sommet des charts est soulignée par ce tag brut et viscéral, qui demande de l'attention.
3. Just Blaze - "Just Blaze !"
https://www.youtube.com/watch?v=9GvB9ySUJ3A
Ce cri, l'un des tags OG antérieurs à la vague actuelle de hip-hop, est simple mais emblématique. Vous l'entendrez sur certains des morceaux les plus légendaires du début des années 2000, de "Public Service Announcement" de Jay-Z à "Oh Boy" de Cam'ron.
Il n'est pas trop stylisé parce qu'il n'a pas besoin de l'être. Le nom de Just Blaze a tellement de poids que sa simple mention ressemble à un sceau d'approbation. Son label est une autre institution du hip-hop, synonyme de production classique et d'une profonde compréhension de l'ADN du genre.
4. Murda Beatz - "Murda on the beat so it's not nice".
https://www.youtube.com/watch?v=_EyZUTDAH0U
L'étiquette de Murda Beatz a quelque chose de diaboliquement intelligent. "Murda on the beat so it's not nice" est à la fois un clin d'œil et un avertissement. Cette phrase est apparue pour la première fois sur le titre "AKA" de Baka Not Nice, que Murda a lui-même produit. Mais ce sont ses collaborations avec Drake qui l'ont propulsée sous les feux de la rampe.
Soudain, le tag s'est retrouvé partout, de "Butterfly Effect" de Travis Scott à "Bigger Than You" de 2 Chainz. Il est prononcé avec une sorte de menace désinvolte, comme si quelqu'un allumait une allumette juste pour regarder l'ensemble brûler. Le génie réside dans le contraste. Le tag est doux, voire froid, mais les beats qui suivent n'ont rien à voir.
5. Wheezy - "Wheezy outta here."
https://www.youtube.com/watch?v=leJNDpm_G10
Future disant "Wheezy outta here" juste avant qu'un morceau n'explose, c'est comme le calme avant la tempête. Le producteur originaire du Mississippi qui se cache derrière cette étiquette a un son aussi propre et soigné qu'agressif. Vous l'avez entendu sur "Hot" de Young Thug, "Yes Indeed" de Lil Baby et "Pushin P", l'hymne viral de Gunna. Chaque morceau porte en lui ce rebond caractéristique et cette clarté mélodique dont Wheezy a fait sa carte de visite.
Le tag lui-même est une distillation parfaite de son ambiance. Il est minimal, sans gêne et absolument confiant. Il est amusant de constater que Lil Wayne a pensé un jour que ce tag était un clin d'œil à sa personne, ce qui prouve à quel point il s'intègre naturellement dans le mix. Mais ne vous y trompez pas, il ne s'agit pas de Wayne. C'est le monde de Wheezy.
6. JetsonMade - "Oh Seigneur, Jetson en a fait un autre !"
https://www.youtube.com/watch?v=HIwAI05Y1fU
Les beats de JetsonMade sont maigres, percutants et incroyablement addictifs, souvent dépouillés du superflu au profit d'une énergie et d'un rebond purs. Vous avez certainement entendu sa signature sonore sur des titres comme "WHATS POPPIN" de Jack Harlow, "@ MEH" de Playboi Carti et "Suge" de DaBaby.
Ce qui le distingue, au-delà de son caractère accrocheur, c'est la manière dont il a été créé. À l'origine, JetsonMade n'avait pas l'intention d'en faire un identifiant récurrent. En fait, il a expliqué à Splice que la ligne a été introduite pour la première fois dans un morceau de l'artiste Reek Popii, presque à titre exceptionnel. "Je n'ai même pas lancé le tag au départ", a déclaré Jetson. "C'était juste pour une chanson. Mais une fois que cette chanson a eu du succès, le tag est resté, et c'est maintenant l'une des phrases les plus reconnaissables du hip-hop moderne.
Il est également normal que Jetson soit originaire de Caroline du Sud, un État qui n'est pas toujours au centre des conversations sur le hip-hop.
7. Jahlil Beats - "Jahlil Beats, holla at me !"
http://youtube.com/watch?v=vJwKKKd2ZYE
Peu de tags ont autant marqué une époque que le "Holla at me !" crié par Jahlil Beats. Si vous vous promeniez à l'extérieur au début des années 2010, vous l'avez probablement entendu de la bouche d'une voiture qui passait par là. C'est audacieux, c'est direct, et c'est devenu une partie de l'esprit du temps d'une nouvelle vague de hip-hop de la côte Est.
L'utilisation la plus emblématique de cette étiquette de producteur est sans conteste le tube viral de Bobby Shmurda "Hot N**ga", une chanson si explosive qu'elle a propulsé Shmurda et le beat lui-même dans la légende de l'internet.
Il est intéressant de noter que ce rythme n'a pas été créé à l'origine pour Bobby. Il a été utilisé pour la première fois par Lloyd Banks sur "Jackpot". D'une manière ou d'une autre, la seconde vie que l'instrumental a pris avec Shmurda a donné au tag sa propre réplique culturelle, prouvant qu'un grand beat (et un grand tag) peut transcender sa première itération.
Au-delà de ce moment unique, Jahlil Beats s'est construit un catalogue profond et influent. Il a accompagné Meek Mill avec des bangers comme "Amen", s'est associé à French Montana pour "Trap House" et a fourni à Lil Durk le mélodique mais percutant "Bougie".
8. Harry Fraud - "La musique de Harry Fraud".
https://www.youtube.com/watch?v=39XR4EXFz5Y
Douce, luxueuse et un peu mystérieuse, "La musica de Harry Fraud" est une vibration instantanée. S'infiltrant comme de la fumée sur l'intro d'un beat, il n'aboie pas pour attirer l'attention comme le font certains tags. Au lieu de cela, il se glisse, donnant le ton à ce qui est généralement une production brumeuse, riche en samples et très stylisée.
Comme Harry Fraud l'a dit un jour à HipHopDX, l'étiquette est apparue lorsqu'un ami dominicain de la famille l'a enregistrée en studio, et le reste appartient à l'histoire. Pas de réflexion approfondie, pas d'agence de marque, pas de campagne virale. Il s'agit simplement d'une phrase jetée au hasard qui s'est transformée en signature. Le phrasé espagnol ajoute une saveur internationale, tandis que la voix douce et respirée donne l'impression de faire partie de l'instrumentation plutôt que d'être un cri du producteur.
Vous avez probablement entendu ce tag en ouverture de "Shot Caller" de French Montana, un titre qui a contribué à lancer leurs carrières respectives dans une plus grande arène. Ou peut-être l'avez-vous entendu sur "Location" de Playboi Carti, où il donne le ton à l'un des morceaux les plus rêveurs de Carti à ce jour.
9. Pi'erre Bourne - "Yo Pi'erre, tu veux venir ici ?"
https://www.youtube.com/watch?v=ghzdwjWrWcc
Il y a des étiquettes de producteurs, et puis il y a des moments culturels. L'étiquette de Pi'erre Bourne s'inscrit résolument dans cette dernière catégorie.
Si vous avez déjà joué "Magnolia" de Playboi Carti dans la voiture, lors d'une fête ou sur le haut-parleur de votre téléphone pendant que vous vous brossez les dents, vous connaissez déjà le chaos qui éclate lorsque vous entendez "Yo Pi'erre, tu veux venir ici ?". Cette chanson a cette qualité rare et magique d'être à la fois un mème, un état d'esprit et un marqueur de banger.
L'histoire qui se cache derrière est tout aussi légendaire. Bourne s'est inspiré d'un épisode des années 1990 de The Jamie Foxx Show, dans lequel le personnage de Jamie, en plein timing de sitcom, demande à Pierre, le chef, de sortir de la cuisine après qu'un client s'est plaint. La façon dont il le dit, agacée et un peu théâtrale, était trop belle pour ne pas la goûter.
Bourne, toujours à l'affût des nouveautés de l'ère Internet, l'a mis en boucle avec le son d'une porte grinçante de la même scène. Et boum, un tag de producteur est né, qui rivaliserait avec les accroches les plus accrocheuses des chansons qu'il introduit.
Elle est également présente sur "Bad Boy" de Juice WRLD et Young Thug.
10. Sonny Digital - "Sonny Digital".
https://www.youtube.com/watch?v=avFq9errZCk
Pas besoin d'une phrase complète quand votre nom est le cachet. Sonny Digital s'est contenté de son nom, clair et net, et en a fait l'un des drops les plus reconnaissables du hip-hop.
Sonny Digital est originaire d'Atlanta, une ville qui ne manque pas de producteurs d'élite, mais il s'est taillé une place à part grâce à sa percée via le hit viral d 'ILOVEMAKONNEN, "Tuesday", en featuring avec Drake. Bien sûr, ce n'était que le début. Il est également l'architecte du menaçant "Same Damn Time" de Future et de l'hypnotique "After Party" de Don Toliver.
Malgré son efficacité, Sonny a ouvertement critiqué la façon dont certains producteurs s'appuient trop lourdement sur leurs étiquettes. Dans un clip qui circule désormais avec le photographe Cam Kirk, il réprimande à demi-mot certains de ses pairs : "Parfois, vous tous, les n**gas, vous devenez un peu trop fous". Ce qu'il veut dire ? L'image de marque est puissante, mais elle doit être méritée, et pas seulement criée toutes les huit mesures.
L'héritage durable des étiquettes des producteurs
À ce stade, il est difficile d'imaginer le hip-hop moderne sans les étiquettes des producteurs.
Ce qui n'était au départ qu'un filigrane est devenu un outil d'image de marque, un moteur de mèmes et un moyen pour les producteurs de se tailler une place sous les projecteurs des rappeurs.
Et ils ne vont nulle part. Au contraire, ils deviennent de plus en plus essentiels à mesure que les frontières entre artistes et producteurs s'estompent et que la découverte de la musique s'appuie de plus en plus sur des algorithmes et des décisions prises à la vitesse du défilement. Un bon tag peut arrêter un auditeur dans son élan. Il peut construire un empire.
À une époque où les beats générés par l'IA et les téléchargements sans visage inondent le marché numérique, l'étiquette du producteur reste une sorte d'empreinte digitale humaine. C'est la preuve que quelqu'un était là, qu'il a fait ça, et que vous écoutez un morceau de lui.
Alors oui, un rythme peut être brûlant, mais parfois, le tag est la raison pour laquelle vous appuyez sur play en premier lieu.